Pêche du saumon dans les Gaves : pour que justice soit rendue aux associations de pêche sportive et aux associations de défense de l'environnement.
Monsieur le Préfet,Monsieur le Président de la Région Nouvelle Aquitaine
Si je prends aujourd’hui la plume, après plus de 30 ans d’injustice, c’est pour signifier qu’il est encore temps de sauver cette espèce emblématique et protégée, mais cependant en péril qu’est le saumon, pur produit de nos gaves.
C’est aussi pour éviter que cette injustice et ce scandale ne se poursuivent. En effet, en découvrant dans la presse l’agacement dont vous faites montre à l’évocation du verdict des tribunaux qui se sont récemment prononcés pour l’interdiction de la pêche du saumon au filets dérivants dans le Port de Bayonne, je redoute que vous ne soyez enclin à prendre des décisions malheureuses, sinon fatales, pour le devenir de cette espèce migratrice protégée.
C’est également pour vous rappeler que les collectivités territoriales dans leur majorité, se sont prononcées, par délibération et à l’unanimité pour apporter leur soutien aux associations de pêche sportive et aux associations de défense de l’environnement qui se sont engagées dans cette démarche juridique visant à clarifier le flou qui entoure la réglementation de la pêche professionnelle dans le port de Bayonne.
Elles ont été en cela rejointes par des conseillers régionaux, des élus départementaux, des députés et sénateurs ainsi que par plus de quinze socioprofessionnels du tourisme.
Si cette décision nous donne raison et nous conforte dans cette juste revendication, nous gardons cependant la dent dure contre cette poignée de pêcheurs professionnels (une douzaine) qui ne font rien pour la ressource naturelle du saumon, sinon la prélever à outrance, et cela dans la plus parfaite illégalité, tandis que nous travaillons depuis plusieurs décennies au maintien et à la pérennité de l’espèce en favorisant sa remontée naturelle vers des sites de fraie que nous préservons et réhabilitons.
Leur pratique consiste à traquer et amener des stocks de migrateurs qui ont effectué 14000 kilomètres pour se reproduire dans nos gaves dans des filets. Si la maille réglementaire des pièges permet aux individus les plus petits de s’échapper, elle leur occasionne le plus souvent des blessures mortelles. Ainsi, le nombre de saumons capturés et déclarés, ne rend-il pas exactement compte des dégâts et de la menace occasionnés par cette pêche sur les espèces migratrices.
Cette mise en péril prive nos territoires de retombées économiques majeures et de nombreuses créations d’emplois. Chez nos voisins scandinaves, écossais ou irlandais, la réglementation permet de favoriser ces populations et leur abondance génère une économie d’artisanat, de loisir et de tourisme prospère sur laquelle nos territoires ruraux ne peuvent plus aujourd’hui faire l’impasse !
Si Je prends la plume aujourd'hui c'est enfin pour vous rappeler que ce ne sont pas les pêcheurs de loisir à la ligne et défenseurs de la nature qui ont fait disparaître l'alose, l'anguille, le saumon... voir l’esturgeon ! Ce sont bien les pêcheurs professionnels qui sont en cause, même si on ne peut nier l'impact des activités humaines et du dérèglement climatique sur la dégradation des milieux aquatiques de nos gaves. Mais malgré cela les pêches ont continué à se pratiquer au filet mettant en un peu plus en péril l’espèce jusqu'à sa pratique extinction.
Monsieur le Préfet, vous parlez du code de l'environnement qui est une compétence de la Préfète de Région qui va réunir le COGEPOMI. Parlons-en de ce Comité de Gestion des Poissons Migrateurs ! Celui-là même qui décide d'autoriser la pêche du saumon et des poissons migrateurs dans le port de Bayonne et l’estuaire de l'Adour sans évaluation sérieuse de la ressource ! Celui-là même qui a toujours autorisé cette pêche aux filets même en période de rareté des remontées de l'espèce et qui en même temps interdit la pêche sportive sur le Gave de Pau que je défends bec et ongles. De même pour l'espèce anguille (et nous y reviendrons …) le COGEPOMI autorise la pêche à la piballe tout en interdisant aux pêcheurs de loisir à la ligne de pêcher jusqu'à minuit comme par le passé. Alors qu'on sait que pour déguster trois anguilles en famille, ces dernières ne s'attrapent aux appâts naturels à partir de 23 heures. Beaucoup de questionnements en vérité, sur les décisions de ce comité qui sont injustes.
Monsieur le Préfet : ne faudrait-il pas revoir l’organisation du COGEPOMI dans lequel les associations de pêche de loisir et les fédérations sont sous représentées, laissant une part belle aux pécheurs professionnels dans ses décisions. Aujourd'hui tandis que l'heure est aux réparations, force est de constater que pour sauver ces migrateurs ce ne sont pas les pêcheurs professionnels qui réagissent. Ce sont bien les instances halieutiques de loisir avec l'appui de nombreux partenaires qui seules agissent au travers de plans saumons mis en œuvre pour favoriser le développement de l'espèce en facilitant les franchissements des obstacles, en alevinant en tocans et en assurant le suivi des zones de frayères grâce aux aides et des subventions de l'Etat et de l'Europe et à la participation des pêcheurs qui par l'achat de cartes de pêche s’acquittent de taxes collectées par les fédérations départementales et nationales.
Ces investissements s'élèvent entre 70 et 80 millions d'euros depuis une quinzaine d’années. Grâce au plan saumon lancé en 2004, on observe aujourd'hui d'énormes progrès sur le Gave de Pau qui se traduisent par des remontées d'une moyenne annuelle de 1200 à 1500 saumons comptabilisés par des vidéos de contrôle installées au centraux électriques de Castétarbe et d'Artix. Les études ont démontré que ce sont 6000 saumons qui potentiellement pourraient remonter le Gave de Pau s'ils n'étaient piégés au niveau de l'embouchure. Alors où sont les manquants ? Monsieur le Préfet et Monsieur le Président de Région : Qui sème et qui cultive ? Et qui récolte ? On peut parler de vol d'un produit que d'autres s’efforcent de produire ! Cet argent public ne doit pas servir à empêcher les poissons de se reproduire, et pourtant c'est ce qui se passe. Regardez l'intelligence des pays d'Irlande, d'Écosse, des pays scandinaves et autres comme le Canada qui ont supprimé les pêches au filet. Ils ont compris que les pêches à la ligne sportive qui sont réglementées, je le précise, servaient à la valorisation des territoires et d'un tourisme porteur de développement économique et créateur d'emploi.
Si j'ai souhaité faire cette lettre ouverte, ce n'est pas pour vous contraindre, mais surtout pour vous convaincre de suivre et respecter les décisions des tribunaux et de donner raison à l'interdiction de la pêche aux filets dans le port de Bayonne. Si j'avais une proposition à vous faire, c'est d’user de votre influence auprès des ministères compétents pour qu'ils consentent à supprimer totalement ces pêches au filet destructrices au Port de Bayonne, dans l’estuaire de l’Adour et le long des courants des côtes landaise et basques qui sont des passages connus des retours des saumons et dont des portions classées Natura 2000 sont protégées
Les autres pays ont su le faire, Pourquoi pas la France ?
Alors prenez les bonnes décisions elles sont très attendues, le saumon est un symbole fort de nos gaves qui grâce à vos décisions positives et aux décisions engagées pourrait renaître de ses cendres.
Michel ARENAS
Courrier adressé au Président de Région, au Préfet et diffusée dans la presse régionale. Février 2020